Le Brochet africain, appelé Mulumesi, est un poisson fougueux et rapide très prisé pour la pêche sportive. Dans les étendues paisibles et claires des canaux et lagons des vastes plaines inondables, il chasse de petits poissons qui constituent sa principale source d’alimentation.

Reconnaissable par sa forme de torpille et sa tête en forme de pic – d’où son nom – il a un aspect redoutable. Ses mâchoires impressionnantes rappellent celles d’un crocodile. Ses dents vicieuses et pointues sont disposées en deux rangées, avec des canines. Tout comme les requins, il a une deuxième rangée de dents sur la mâchoire inférieure.

Étant un prédateur agile, le Mulumesi préfère chasser dans des endroits calmes et peu profonds avec une dense végétation sous-marine ou flottante. Ses proies peuvent atteindre jusqu’à 30 à 40 % de sa propre taille. Bien qu’il ne pèse que rarement plus d’un kilo, ce poisson est réputé pour être plus difficile à pêcher que le poisson-tigre, qui est une espèce très commune.

Fait intéressant : le Brochet africain et le poisson-tigre évoluent dans des milieux aquatiques distincts, en raison de leurs habitats et modes de chasse différents.

Zoric, responsable de la réserve de Mayuni, souligne l’importance de ce poisson pour la communauté locale : « Nous aimons manger le Mulumesi, il est délicieux, surtout quand on y ajoute des nénuphars locaux. Il existe aussi des croyances culturelles et des traditions autour du Mulumesi. »

La régression de ce poisson

Il y a dix ans, la rivière Kwando regorgeait de Brochets africains. Malgré les arêtes désagréables de ce poisson, les pêcheurs le recherchaient activement, car les gens aimaient tellement en manger.

Cependant, la surpêche a engendré une baisse des stocks de poissons, en particulier celle du Mulumesi. Cette tendance a même favorisé la réapparition du poisson tigre dans ces eaux, indiquant une évolution des espèces aquatiques.

Une lueur d’espoir

Sous la direction du chef Joseph Tembwe – fervent défenseur de l’environnement – la réserve de Mayuni a par conséquent décidé de protéger ses ressources halieutiques d’un plus grand déclin. Ils ont obtenu les droits de gestion d’une réserve de pêche. Joseph Tembwe a aussi sollicité l’aide de la Namibia Nature Foundation (NNF) dans le cadre du projet « Strengthening Community Fisheries in KAZA », qui fait partie du programme Ecofish.

Lors de l’évaluation de base, les aînés de la communauté ont partagé qu’ils avaient déjà vu des Brochets africains, mais que ce poisson emblématique, qui autrefois faisait la fierté de Kwando, avait malheureusement disparu.

Le canal de Luhingi, désigné comme zone propice à la reproduction, a choisi d’interdire toute forme de pêche, à l’exception de la pêche de loisir. Deux ans plus tard, après avoir achevé les procédures de transfert des droits à la population locale, le canal de Luhingi a été proclamé réserve de pêche par le gouvernement namibien.

Des résultats concrets

En collaboration avec le comité de conservation, des garde-pêche sensibilisent la population sur l’état critique des stocks de poissons. Ils se consacrent quotidiennement à la sauvegarde de ces réserves.

Présente dès l’origine du projet, Peggy, responsable de la surveillance des stocks de poissons, avait pour mission d’étudier les captures des pêcheurs à l’extérieur de la réserve. Elle devait identifier les espèces, ainsi que mesurer leur taille et leur poids. Cela lui a donné l’opportunité de témoigner des changements dans la rivière sur une longue période.

« Lorsque j’ai pris mes fonctions pour surveiller les poissons, il n’y avait pratiquement plus de Mulumesi dans les prises des pêcheurs. Aujourd’hui, j’en vois presque tous les jours. Ils ne sont pas encore très gros, mais ils sont de retour ! »

Deon Tiyeho, biologiste senior du Kamutjonga Inland Fisheries Institute (KIFI), est du même avis : « Luhingi abrite de nombreux jeunes Brochets, on les voit partout ! »

Lorsqu’on compare ces résultats avec les zones non protégées, on constate que cette espèce est bel et bien retournée chez elle… Un grand succès de restauration grâce aux efforts du peuple Mayuni.